Jonathan Strange & Mr. Norrell, roman fantasy britannique écrit par Susanna Clarke et publié en France en 2007 chez Robert Laffont est une vraie pépite. Et on vous dit pourquoi !

En pleine période de guerres napoléoniennes, deux grands magiciens s’affrontent. Sauront-ils rendre toute sa grandeur à la magie en Angleterre en la faisant vivre à nouveau ?

L’uchronie avec un grand U

Avec ce pavé de plus de 800 pages, Susanna Clarke se démarque comme une grande auteure de fantasy. Avec Jonathan Strange & Mr. Norrell, elle parvient à intéresser le lecteur à l’histoire de l’Angleterre à l’époque géorgienne. Elle nous y parle de guerres qui aujourd’hui nous sont bien lointaines et dont on ne sait en général que peu de choses : les guerres napoléoniennes. On se retrouve très rapidement happé par l’univers créé par Susanna Clarke qu’on ne lâchera plus jusqu’aux dernières lignes.

Les Willis étaient deux frères qui possédaient un asile d’aliénés dans le Lincolnshire. Depuis de nombreuses années déjà, ils prenaient soin du roi chaque fois que Sa Majesté se trouvait déraisonner. […]
Cela étonnera mes lecteurs (car cela étonne tout le monde) qu’un roi soit si peu maître de son destin. Songez pourtant avec quelles alarmes de suspicion de démence est accueillie dans les familles privées. Songez alors combien ces alarmes sont bien plus grandes quand le patient est le roi de Grande-Bretagne !

Réécrivant l’histoire de l’Angleterre en y ajoutant une pincée de magie toujours bien dosée, elle rend les lieux et personnages quasi palpables pour le lecteur installé tranquillement dans son canapé. Et si la magie pouvait expliquer la victoire d’une bataille ? Et si un enchantement pouvait être l’explication à un comportement mélancolique ? Toutes ces questions, Susanna Clarke se les pose et imagine un monde où la magie aurait influencée durablement nos sociétés et nos modes de vie. Et on se laisse volontiers prendre dans ce monde où tout s’explique par la magie, évidemment.

Donner du temps au temps

L’auteure livre ici une œuvre qui prend le temps de développer chaque personnage, chaque élément de l’histoire pour finalement offrir au lecteur la meilleure expérience de lecture qui soit. Le genre d’expérience de lecture par laquelle on restera marquée. Un univers riche impossible à oublier. Sur un récit durant plusieurs années, elle esquisse le portrait d’une société en plein bouleversement à travers les nombreux personnages qui peuplent son roman. À la fois fresque historique – avec ses récits de guerres – et fresque sociale, – à travers la description de la société mondaine et de ses mœurs – cette œuvre est très complète dans la façon dont est développé son univers.

Alors qu’un déluge dégringolait des cieux, les gouttes d’eau étaient poussées à s’agglutiner pour former des masses solides : colonnes, poutres et voiles, qu’un artiste avait façonnées à l’image de cent navires.

Et pourtant, l’écriture de Susanna Clarke reste assez simple. Une simplicité qui n’en est pas moins percutante et parfois même assez poétique. L’auteure passe d’un récit à un autre et les histoires des différents personnages s’entremêlent à la façon d’un feuilleton sans perdre le lecteur à aucun moment pour autant. Un véritable tour de force en vue de la taille du roman au cours duquel on pourrait avoir le temps de s’ennuyer. Eh bien nenni !

Une œuvre sombre, mais pas que

Jonathan Strange & Mr. Norrell c’est aussi un univers assez sombre. Dans la description qui nous est faite de l’époque, des lieux et des personnages, on ressent toute l’influence du roman gothique. On croisera au sein de ce roman même Mary Shelley mais aussi Lord Byron. Un clin d’œil fait aux deux auteurs qui ont peut-être influencé Susanna Clarke. On sent son penchant à la fois pour l’univers gothique et le romantisme et tour à tour on se croirait coincé dans une toile de Fussli puis dans une œuvre romantique. À mi-chemin entre Jane Austen et Mary Shelley, cette œuvre nous donne à voir une Angleterre bien plus complexe culturellement qu’il n’y parait.

Je crois avoir entendu évoquer ce que vous avez réalisé à York, et j’espère que les lavandières vous en ont su gré. Néanmoins, j’ai peine à voir comment nous pourrions appliquer la magie à la guerre ! Certes, nos soldats se salissent beaucoup, mais enfin, vous savez […] ils ont d’autres chats à fouetter !
Pauvre Mr Norrell ! Ce fut un grand choc pour lui de prendre connaissance de l’histoire de Mr Drawlight sur la manière dont les fées auraient blanchi le linge de la population. Il assura à Sir Walter n’avoir jamais blanchi de linge de sa vie […] et lui raconta ce qu’il avait réellement réalisé à la place.

Elle y alterne également entre des moments humoristiques – humour pincé et humour plus absurde se mêlent – et des moments beaucoup plus dramatiques et sombres donnant un aspect très réaliste et humain à son œuvre. Mais Jonathan Strange & Mr. Norrell ce n’est pas que ça. C’est une aussi un questionnement sur la folie, la mort, la religion, le racisme, l’esclavage et bien plus encore. Une œuvre vraiment complète en somme.

Avec cet unique roman élu prix World Fantasy du meilleur roman en 2005, Susanna Clarke marque les esprits. Par sa capacité à créer un univers prenant et unique, elle montre son talent d’auteure fantasy. Lire Jonathan Strange & Mr. Norrell éveille la curiosité, l’imagination et fait se questionner sur de nombreux sujets de société encore valables de nos jours. Lire Jonathan Strange & Mr. Norrell vous rendra meilleur. Lisez Jonathan Strange & Mr Norrell ! (#Propaganda)

 


Cet article a été écrit dans le cadre du Challenge ABC Imaginaire.

ABCImaginaire2018

Organisé par la blogueuse littéraire MarieJuliet. Le principe en est simple :

Lire 26 livres entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, en respectant le principe « une lettre, un auteur ». Il faut choisir un auteur de l’Imaginaire (Fantasy, fantastique, Science-Fiction, Bit-lit, Dystopie, Steampunk,… etc.) pour chaque lettre de l’alphabet.

16 commentaires sur « Jonathan Strange & Mr. Norrell : pépite uchronique »

  1. Ouh, il est dans ma pile depuis que j’étais tombée sur la série par hasard, quand j’ai su que c’était un livre j’ai préféré le lire d’abord (et c’est toujours pas fait, mais ça viendra 😃) il a l’air assez dingue !

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  2. Alors déjà WOW. Superbe article qui me confirme que je fais une grosse connerie en ne gardant pas l’exemplaire que la bibliothèque maternelle possédait (et que ma mère a donné parce que plus de place). En fait, j’avais été assez refroidie par les critiques peu élogieuses disant que c’était lonnnng, que c’était ennuyeuuuux etc. Mais je m’étais peut-être pas renseignée au bon endroit à la réflexion… J’ai vu l’exemplaire à la médiathèque, l’occaz de m’y mettre un de ces jours… (plus d’excuses possibles).

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  3. J’espère que tu l’aimeras autant que moi et que mon avis ne t’auras pas induit en erreur :’)
    Peut-être que tu le trouvera ennuyeux! Perso je suis rentrée dedans à fond. Je viens de me mettre à la série qui est juste parfaite aussi *0*

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  4. J’viens de lire sur un C’est le premier une autre personne louant exactement comme toi les qualités extraordinaires de la bête. Du coup, bon… autant te dire que c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde.

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  5. Ta critique rend parfaitement hommage à cette petite merveille (cette énorme merveille plutôt) ! Quelle lecture ! J’aurais aimé être encore plongée dedans ! La série est-elle à la hauteur ?

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  6. La série est vraiment bien ! Très très british dans le style humour pince sans rire (Un peu comme dans le livre!), sombre à la fois avec de très bons acteurs… Pour moi en tout cas l’adaptation est une réussite ! 😀

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